Répondre ou ne pas répondre, telle est la question.
Date
Janvier, 2025
Temps de lecture
6 minutes
Catégorie
Bonne pratique
Peggy Herman
co-fondatrice et dirigeante de Bee4win, où elle supervise les activités de conseil et de services en avant-vente. Depuis 2002, elle a piloté de nombreuses réponses à appels d’offres – publics et privés – allant de quelques dizaines de milliers à plusieurs centaines de millions d’euros, dans des secteurs variés tels que l’IT, l’énergie, l’industrie et l’événementiel.
Experte en avant-vente, Peggy réalise encore aujourd’hui des prestations en bid management, bid writing, coaching et formation, et mène depuis 10 ans des travaux d’étude sur les meilleures pratiques du domaine. Engagée dans la promotion de l’avant-vente, elle préside le chapter Francophonie de l’APMP et intervient régulièrement en tant que conférencière, notamment lors de la Bid and Proposal Conference Europe et auprès des clients de Bee4win.
Mots clés
#Go/No-go
#Appeld’offre
#Qualificationd’opportunité
Répondre à un appel d’offre représente souvent un effort important : de 1 à 3 jours dans les cas les plus simples, à plusieurs dizaines de jours dans les cas les plus complexes. Lorsqu’il y a une mise en concurrence, rares sont les cas où les chances de gain sont supérieures à 80%. Une étude que nous avons menée nous a montré que le taux de succès est en moyenne autour de 25 à 30%. Cependant, certaines entreprises arrivent à avoir un taux de succès supérieur à 60%, optimisant ainsi considérablement l’investissement consacré à l’avant-vente. Une des clés pour augmenter son taux de succès et améliorer vos performances avant-vente consiste à choisir de manière très réfléchie les appels d’offres auxquels vous souhaitez répondre.
Je vous propose dans cet article une approche pour vous aider à décider à quels appels d’offres vous devez répondre.
Les questions à se poser
Décider de répondre ou non à un appel d’offre nécessite de se poser un ensemble de questions. Si vous n’avez pas les réponses, vous devrez faire des hypothèses et ces hypothèses peuvent s’avérer fausses et vous amener à prendre une mauvaise décision. Plus vous réussirez à obtenir un nombre important d’informations fiables, plus vous serez en mesure de prendre la bonne décision.
Vous le savez certainement, plus nous avons d’intimité avec le client, plus nous pouvons obtenir des informations sur son besoin et les raisons qui l’amènent à lancer cet appel d’offres (voire orienter le contenu du cahier des charges pour être en position privilégiée par rapport aux concurrents). Lorsque cette intimité n’est pas établie, ne baissez pas les bras trop vite : tous les canaux sont bons pour trouver l’information ! Vous pouvez par exemple faire des recherches sur internet, examiner les profils LinkedIn de personnes ayant travaillé pour ce client ou sur un projet donné, regarder si le titulaire sortant a mis en ligne une success story sur le projet, prendre contact avec des personnes ayant déjà travaillé avec ce client, …
Les questions que vous devez vous poser peuvent être réparties en 3 groupes :
1. Le projet nous intéresse-t-il ?
Il s’agit ici de s’assurer que le projet du client est bien aligné avec la stratégie de votre entreprise et qu’il y a bien une (ou des) opportunité(s) business sous-jacente intéressante pour vous. Les questions à se poser sont par exemple :
- Le projet correspond-il à au moins une de nos offres actuelles ou vers laquelle nous voulons aller ?
- Combien de projets similaires avons-nous déjà réalisés ou gagnés (en cadrant éventuellement sur un secteur d’activité, un secteur géographique ou une période) ?
- Ce projet nous ouvre-t-il la porte vers d’autres opportunités qui nous intéresse ? Si oui, lesquelles ?
N’hésitez pas à compléter avec des questions pour identifier le risque que le projet ne se passe pas bien, et l’acceptabilité pour votre entreprise des conséquences si le projet ne se passe pas bien :
- Est-ce un client (ou type de client) avec lequel nous avons envie de travailler ? (Cette question peut être déclinée en questions sous-jacentes : le client est-il mature pour ce type de projet ? A-t-il une approche ouverte et constructive ? …)
- Le niveau de complexité et criticité du projet est-il élevé ? Y’a-t-il des risques bloquants ?
- A-t-on identifié des exigences hors normes ou inacceptables (en termes par exemple de pénalité ou de clause de responsabilité)
- Le besoin est-il défini de façon claire, complète et structurée ?
2. Pouvons-nous y répondre ?
Dès lors que le projet vous intéresse, vous pouvez approfondir la qualification en vous posant des questions liées à la disponibilité de vos ressources :
- Avons-nous toutes les ressources compétentes requises disponibles pour répondre ?
- Pourrons-nous avoir toutes les ressources compétentes requises disponibles pour réaliser le projet si nous le gagnons ?
- Est-on capable de proposer une solution qui répond à 100% du besoin du client ?
- Est-on capable de proposer une solution qui rentre dans le budget du client ?
3. Quelles sont nos chances de gagner ?
Si la plupart des entreprises se posent les questions précédentes, une bonne partie s’arrête généralement là et ne cherche pas à évaluer leurs chances de gagner. Du moins pas de façon objective. C’est probablement par peur d’un Nogo de la direction si les chances de gain estimées sont faibles. Or avoir de faibles chances de gagner ne signifie pas forcément qu’il ne faut pas répondre. On peut décider de répondre pour des raisons politiques ou pour se faire connaitre du client et être mieux placé la fois d’après.
Evaluer les chances de gagner ne signifie pas non plus qu’il faut obligatoirement définir un pourcentage précis de probabilité de gain. Ce pourcentage précis est d’ailleurs souvent difficile, voire impossible à calculer. L’objectif est selon moi avant tout d’évaluer comment on se positionne :
- d’une part en termes de relation client : est-on connu du client ? a-t-on une intimité avec lui ? a-t-on déjà travaillé avec lui ? Est-ce que ça s’est bien passé ? Est-ce que le client nous aime bien ? …
- et d’autre part vis-à-vis de la concurrence : y’a-t-il déjà un concurrent en place sur ce projet ou sur d’autres projets similaires pour ce client ? s’attend-on à une concurrence sévère ? A-t-on des atouts différenciants ou des points fiables significatifs par rapport à la concurrence ? …
Cette évaluation est cruciale pour pouvoir ensuite déterminer ce qui nous motive à répondre, la stratégie de réponse à adopter et l’effort à fournir pour répondre.
Le process et les outils
Qui fait quoi ?
Qualifier une opportunité et décider si vous souhaitez y répondre ou non peut être réparti en plusieurs rôles et sur plusieurs acteurs. Une organisation possible est par exemple la suivante :
- Le commercial apporte les réponses à toutes les questions auxquelles il peut répondre grâce à sa connaissance du client et du marché
- L’ingénieur avant-vente / bid manager ou un responsable d’offre apporte les réponses aux questions auxquelles il peut répondre en analysant le cahier des charges et les pièces du dossier de consultation
- Un manager apporte les réponses relatives à la disponibilité et compétence des ressources et la réalisation de projets similaires
- Un juriste peut également être impliqué dès ce stade pour évaluer les risques contractuels et juridiques
- Un responsable ou dirigeant prend la décision de répondre ou non (et pourquoi / comment).
Avec quel outil ?
Le manque de formalisation peut être un frein à une bonne qualification : on ne se pose pas toutes les questions qu’il faudrait, on ne sait pas comment répondre à certaines questions, on perd du temps, on n’a pas une vue de synthèse pour aider à prendre la décision, l’analyse n’est pas faite de la même manière selon les personnes impliquées, …
Pour éviter ces écueils, voici quelques conseils pour créer votre propre grille de qualification :
- Listez dans un tableau type Excel entre 15 et 25 questions à vous poser systématiquement pour chaque nouvelle opportunité, en prenant soin d’avoir des questions qui couvrent les 3 types de question vus ci-avant.
- Pour chaque question, définissez une liste fermée de 4 ou 5 réponses possibles. Par exemple, à la question : « le niveau de concurrence est-il élevé ? » les choix de réponse proposés peuvent être :
- Nous sommes les seuls consultés
- Il n’y a que 2 ou 3 sociétés consultées et nous les connaissons
- Nous estimons qu’il y a peu de concurrents (< 2) mais nous ne les connaissons pas tous
- Nous estimons qu’il y a un nombre élevé de concurrents (entre 3 et 10)
- Nous estimons qu’il y a un nombre très élevé de concurrents (>10) ou que certains concurrents sont des leaders forts du marché.
Le but est de définir des questions auxquelles il est possible de répondre facilement, sans hésitation entre les choix proposés et sans avoir à connaitre la réponse précise.
3. Associez à chaque choix de réponse possible un poids et éventuellement un positionnement sur une matrice SWOT (est-ce une force ? une faiblesse ? une opportunité ? une menace ?).
4. Identifiez d’éventuelles réponses « éliminatoires » qui, si elles sont utilisées, doivent fortement inciter à ne pas répondre à l’appel d’offres.
5. Préparez à côté de chaque question une liste déroulante proposant uniquement les choix possibles.
6. Laisser la possibilité de saisir un commentaire sous forme de texte libre en réponse à chaque question pour préciser le choix effectué.
7. Et enfin prévoyez une vue synthétique des réponses apportées qui va permettre d’aider à prendre la décision. Il peut s’agir par exemple d’une aiguille sur un dégradé de couleur, d’un SWOT pondéré, d’un radar, … Je préconise d’éviter un score brut sur une échelle donnée pour éviter les décisions trop binaires ou l’impact du passage d’un seuil. In fine, ça ne doit rester qu’un outil d’aide à la décision et non prendre la décision pour vous.
La prise de décision
La décision de répondre ou non à une consultation est souvent prise lors d’une revue de Go-Nogo (ou Bid-Nobid selon les organisations). L’intérêt de cette revue (généralement de 30mn) est de pouvoir présenter la synthèse des éléments recueillis à tous les décideurs, d’échanger sur ces éléments et d’acter la décision prise. Il est important de tracer cette décision dans un compte-rendu ou sur le support de la réunion.
En réalité, je devrais plutôt dire les décisions, car au-delà de décider si vous souhaitez répondre ou non, je vous recommande également de définir :
- Pour quelle raison avez-vous décidé de répondre ? (ce sera généralement dans le but de gagner l’affaire, mais ça peut parfois être de viser une seconde place ou bien pour se faire connaitre du client en prévision de réponses futures ou tout autre raison)
- Quel effort avant-vente voulez-vous mettre sur cette réponse ?
- Eventuellement quelles actions conditionnent votre go ?
Conclusion
Mettre en place une approche réfléchie, adaptée à votre contexte, simple et objective peut vous permettre de maximiser vos chances de succès tout en optimisant vos ressources. En posant les bonnes questions, en structurant et visualisant vos réponses à l’aide d’outils adaptés, et en impliquant les bons acteurs, vous pourrez transformer la qualification en un véritable levier de performance pour vos activités d’avant-vente et votre entreprise.
Chaque décision – répondre ou ne pas répondre – doit être accompagnée des raisons pour lesquelles vous décidez de répondre et de l’effort que vous souhaitez y mettre. Ces éléments aideront l’équipe avant-vente à définir sa stratégie de réponse.
Les données recueillies lors de cette qualification pourront être très utiles également au moment d’évaluer pourquoi vous avez gagné ou perdu l’affaire : en évaluant si vos hypothèses de départ étaient bonnes, vous pourrez en tirer des leçons pour les prochaines affaires et vous inscrire ainsi dans une démarche d’amélioration continue qui contribuera elle aussi à améliorer vos performances avant-vente et tirer le meilleur parti de vos efforts.
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